Créature
On vous dira
Que je suis un monstre. Une créature cruelle.
Un jet de napalm jailli d’entre les cuisses de l’enfer.
On vous dira que mon cœur est démoniaque,
Qu’il est irrigué de fiel, qu’il n’est pas de chair
Que son battement n’est que l’inquiétant tic-tac
Des rudes rouages d’une machine atrabilaire.
On vous dira, que je suis une femelle irrationnelle
Qu’il faut craindre mon pire quand plissent mes paupières,
Et que mon sourcil s’arque d’un tic félin.
On vous dira encore, que mes larmes sont celles des sauriens,
Que mes mains brûlent, que mes doigts de velours
Tranchent et détaillent tout ce qu’ils touchent,
Que ma langue est si dure, que s’y fendent les mots d’amour,
Et que mes vers tuent, parce qu’ils font toujours mouche.
Croyez-le.
Croyez les bons samaritains de l’ordre et de la norme
Ils disent mon chaos, leur peur de mon désordre,
La passion qui a fui le morne, le vide de leur corps
Car elle ne peut plus rien pour les hommes déjà morts.
Ce qu’ils ne diront pas, c’est tout ce qu’ils ignorent
Ce que leurs yeux crevés, ne pourront jamais voir.
Ce qu’ils ne diront pas, c’est bien qu’à chaque aurore
Je me dresse l’âme bleue toute lavée du noir.
Et que le grand Principe m’a fait tellement immense,
En me taillant d’une pièce au pan de son manteau,
Déposant sa parole au creux de mes silences
Que face à l’arbitraire, mon cœur demeure flambeau.
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Alors, au juste que m’importe d’être haïe des cloportes,
Des zoïles aux dents nues claquant vaines au vent.
Leurs malédictions sont coquilles que l’onde folle emporte
La Créature a pour elle, les parfums d’oliban.
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