Triptyque du geek
Le Cormet de Roselend
Loin du Cormet de Roselend
Où semblables à un circuit de montagnes russes
Parcourant le chaos rocailleux et de verdure
Les schistes verts les tufs le calcaire
Couverts de touffes d'herbe de lierre et de mousse
Au beau milieu des tourbières
Là où cavalent les torrents alpins
Vers les villages engloutis
Laissant à chacun de leurs pas
Eclater un tardif bouquet final printanier
(Rhododendrons compagnons blancs alchémille et oseille
Anémones gentianes hélianthe et rhinanthe
Orchidées labiées boutons d’or épervières
Epilobes arnica campanules renoncules
Gypsophiles pissenlits mille-pertuis myosotis
Reines des prés centaurées raiponces et berces
Vératres linaigrettes achillées et anthrisque)
Dont la source semble êt re contre toute attente
Un vieux bidon rouillé planqué derrière un roc...
...Donc, non loin du Cormet de Roselend,
Je me fous du Cormet de Roselend,
De tous ces noms de pierres et de fleurs,
Car je rejoins le pays des légendes
Sur mon ordinateur.
Homme moderne
Homme moderne je vis dans le béton cloîtré
La seule fenêtre ouverte sur le monde extérieur
Seule aurore au-delà des volets calfeutrés
De mon appartement c’est mon ordinateur
Si je sors me balader, c’est
Baladeur MP3 à fond dans les oreilles
Je n’entends ni les oiseaux qui gazouillent
Ni le chant de l’homme à la bouteille
Ni la clameur des guérillas
C’est simple : ils n’existent pas
Et si je prends le métro, c’est
Avec mini rétroprojecteur DVD
Sans voir le vieillard bientôt décédé
Ou le bambin qui lui succèdera
C’est simple : ils n’existent pas
J’ai jamais vu mes mille amis
Ma femme est une chimère
De stars de cinéma
De spots publicitaires
Et ma famille
Un souvenir
Me voilà, seul
Face au géant
de Grandgougueule
Annihilant
J'ai branché Internet dans mon cerveau ouvert...
J'ai branché Internet dans mon cerveau ouvert
A ces filles électriques qui fondent dans l'air,
Pris des ondes wifi les routines binaires,
Et gagné le nouveau monde de l'ordinaire :
J'ai vu les paysages des six continents,
Et les mille visages de leurs habitants ;
J'ai lu les douze sages des peuples d'antan,
Et longé les rivages de mille torrents ;
J'ai traversé les plus étendus des déserts,
J'ai courtisé les filles de tout l'univers,
J'ai joué les plus belles parties de poker,
Et tué les démons qui gardaient les enfers...
Du pixel de fenêtre de mon logement,
Je contemple les feux, les autos, les passants,
Les saisons et le rythme des nuits, alternants,
D'un circuit imprimé pareils aux composants.